« Empire of Light » de Sam Mendes : la face sombre de la nostalgie

Empire of Light tourne autour de deux personnages un peu fantomatiques évoluant dans le majestueux cinéma Empire d’une ville de villégiature à la Brighton. Sam Mendes s’est inspiré de ses souvenirs d’adolescence et a écrit le scénario de ce film magnétique, où la charismatique Olivia Colman interprète une femme entre deux âges, administratrice du cinéma, qu’un jeune nouveau (joué par le sublime acteur britannico-jamaicain Michael Ward) peut sauver de ses fantômes.

Sous la surface plane de la mer étale …

A première vue, il ne se passe presque rien : la mer, le vent, la vie du cinéma avec son projectionniste, ses clients plus ou moins polis et ses espaces entiers déjà délaissés à cause de la télévision. Et pourtant : il y a une idylle et l’on pense immédiatement à Harold et Maude d’Hal Ashby, à cause de la différence d’âge entre elle et lui. Il y a aussi de jeunes néo-nazis qui viennent mettre la ville endormie à sac et menacer la vie du héros – qui est noir. Et il y a surtout ce ballet de serviteurs si britanniques dans un cinéma majestueux qui semble aspirer leurs vies. Projeter des films chez Sam Mendes est un cérémonial et c’est cela qui surnage dans la variété des thèmes et des souvenirs qui remontent à la surface.

Un Sam Mendes surprenant et précieux

Après de grands films avec d’immenses moyens, on peut s’étonner du caractère si indépendant d’un film du réalisateur revenu chez lui pour nous parler de sa passion, le cinéma, et de son enfance. On reconnaît quelques habitudes du cinéaste. Des personnages qui nous accrochent, des acteurs merveilleusement choisis : évidemment Olivia Colman est sublime, Colin Firth est parfait en directeur abusif. Ses décors et costumes sont ajustés en diable aussi.

C’est un film désenchanté, sublimé par son unité de lieu et par sa lumière, qui reflète le temps et révèle avec un pointillisme maniaque des travers terribles. A bien y réfléchir, Empire of Light reproduit peut-être ce qu’American Beauty avait fait pour la vie de banlieue américaine. Ce film qui vous gagne lentement pour ne plus vous quitter révèle un Sam Mendes inoxydable de nostalgie.